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MEMOIRE 74
30 octobre 2014

articles en ligne

Le dernier numéro du SAVOYARD LIBERE vient de sortir; j'ai décidé de mettre en ligne les articles que j'ai rédigés pour ce numéro.

Reconstruction et épuration

            Il ne faut pas perdre de vue que le 19 août et pour une quinzaine de jours, la Haute-Savoie est un ilot libéré dans une zone d’occupation allemande, toujours en guerre. Pour le Comité Départemental de Libération, présidé par Georges Guidollet (Ostier), la première priorité est bien de remettre la vie politique et économique sur les rails.

Le CDL crée son organe de presse (Le journal de la Libération) et invite la presse suisse à assurer la couverture médiatique en  Haute-Savoie. D’autre part, les journaux ayant collaboré, (Petit Dauphinois et le Nouvelliste notamment) sont fermés. D’autres journaux apparaissent (comme Armée Nouvelle), tous issus de la Résistance, d’autres continuent de paraître comme le Messager Patriotique.

Sur le plan politique, on élargit le CDL, ainsi mieux représentatif de toutes les tendances politiques et syndicales de notre département. On nomme les délégations municipales dans chaque commune. Systématiquement, ou presque, les hommes qui prennent en main les destinées communales sont issus de la Résistance. Non seulement, ils doivent assurer les affaires courantes, mais assez souvent ils sont chargés de relancer l’économie locale, réfection d’une route ou d’un chemin, vitaux pour le village, reconstruction d’un pont, aides à la réfection des voies ferrées  et surtout remise en culture des champs etc.

Le C.D.L. met en place les textes administratifs prévus par Alger. D’autre part Ulysse Bouvet ayant décliné l’offre de l’état-major de R1 pour le poste de Préfet, c’est Georges Guidollet qui assure l’intérim. Irénée Revillard sera nommé le 6 septembre.

Si la vie économique passe par la relance de l’agriculture, même si celle-ci n’a jamais été «abandonnée », il faut également aux nouveaux conseils municipaux s’occuper de politique en communiquant les noms des collaborateurs aux différentes commissions d’épuration, qui se mettent en place dans le département. Tout le monde réclame un certain assainissement car ils sont nombreux à avoir souffert de la « Kollaboration ».

Pour ce qui est du ravitaillement, les cartes et les tickets d’alimentation sont toujours là (et ce jusqu’en 1950), ainsi que les divers cartes et points textiles, tabac, semences et autres produits. On libéralise un peu le commerce des produits alimentaires et le CDL fixe les prix, afin d’éviter une inflation galopante. Malgré tout, les restrictions persistent.

Les profiteurs sont recherchés : le 4 septembre, un décret préfectoral exige que les entreprises qui ont profité de la situation en 1939 et 1944 versent 1million de francs « au titre du prélèvement sur bénéfices de guerre scandaleux ». 52 millions sont ainsi récupérés.

 

            Les populations réclament avec force l’élimination des « collabos ». Des panneaux fleurissent à Annecy pour stigmatiser un certain nombre de personnes et réclamer leur arrestation et leur jugement.  La presse de la Libération se fait l’écho de ces revendications avec force. Et puis il y a les miliciens…

Près d’une centaine d’entre eux sont détenus au Grand-Bornand sous la protection du corps franc départemental. Ostier et Nizier (chef départemental des F.F.I.) questionnent à leur sujet, le Gouvernement à Alger qui répond de tous les fusiller après interrogatoires. Les deux chefs pensent, à juste titre, qu’il faut organiser un procès à leur endroit. On créé une cour martiale, en vertu du décret promulgué par le Gouvernement provisoire le 26 juin 1944. Nizier crée la Cour martiale en Haute-Savoie, le 21 août et demande à Jean Comet, ancien juge et procureur, de la mettre en place. Un tribunal, présidé par André Augagneur, est nommé, avec des hommes issus tant des F.T.P. que de l’A.S., assurant une parfaite équité des tendances.

Les 97 miliciens sont, dans un premier temps, interrogés par trois policiers qui établissent pour chacun deux des procès verbaux, sous la surveillance du « Procureur » Massendès. Trois avocats commis d’office sont chargés de la défense des prévenus.

La Cour martiale entre en séance le 23 août 1944. Chaque milicien a quelques minutes pour répondre aux questions et sa défense (en fonction d’une  « échelle des actes reprochés et article 75, alinéa 1 du Code pénal»). Dans la nuit du 23 au 24, 76 miliciens sont condamnés à mort et 21 relaxés, qui peuvent quitter immédiatement le Grand-Bornand. Dans la matinée du 24 août, les condamnés sont amenés dans un champ, dans la vallée du Bouchet pour être fusillés. Un prêtre a reçu la confession de tous ceux qui le désiraient ainsi que des effets personnels et des lettres qui seront transmises aux familles. Les miliciens sont fusillés  par groupe de 5. Puis les corps sont mis en bière et enterrés sur place. Les familles informées doivent venir chercher leurs parents. Mais en 2014, il subsiste, malheureusement, encore un cimetière de miliciens ici.

            Le 7 septembre, la Cour martiale siège à Annemasse et condamne à mort 18 miliciens et collaborateurs, fusillés le soir même contre le mur du cimetière. Ils sont inhumés temporairement dans la nécropole municipale. 14 personnes sont relaxées.

Le 5 octobre, la cour martiale, siégeant à Annecy dans les locaux du tribunal (actuelle mairie) condamne à mort 8 collaborateurs, fusillés au champ de tir de Sacconges.

Le 2 novembre, un tribunal militaire siégeant à Annecy juge et condamne à mort le colonel Georges Lelong, Intendant de police durant l’Etat de siège (entre le 31 janvier et le 10 mai 1944). Son avocat (que j’ai rencontré), maître Camille Francillon, demande la grâce auprès du général de Gaulle. Mais entre temps, des maquisards le sortant de la prison départementale en compagnie du général Marion, préfet, fusillent les deux hommes à deux pas d’Annecy.

            Par la suite, l’épuration est mise en œuvre par la Cour de Justice. Celle-ci siège à Annecy, puis à Chambéry et au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la Libération, les peines s’adoucissent.

En avril 1945 la cour martiale d’Annecy condamne par contumace 7 personnes et 8, le 13 juin. Le bilan par la suite s’établit ainsi : Les cours de justice, qui se sont tenues, dans le cadre de l'épuration, en Haute-Savoie ont  condamné à mort 43 personnes (une exécution) et en ont condamné 37 aux travaux forcés.

Les chambres civiques ont condamné à la dégradation civique 137 personnes et en ont acquitté 59.

(Sources Institut d'histoire du temps présent). On trouvera tous les détails dans Histoire de la Milice ou dans le Prix de la Liberté.

 

Les combats continuent en Savoie pour les F.F.I. de Haute-Savoie

 

            Certes, les maquisards F.F.I. de Haute-Savoie ont totalement libéré le département le 19 août 1944. Certes, un certain nombre d’entre eux défilent à Annecy le dimanche 20 août pour fêter la Libération. Mais le plus grand nombre est déjà en route pour la Savoie.

En effet, pour l’occupant allemand, les deux vallées savoyardes sont vitales pour assurer une retraite à ses troupes vers le nord de l’Italie. Le 15 août, les Alliés ont débarqué en Provence.  Après la libération de Toulon puis de Marseille, ils remontent vers Lyon. Les troupes alliées n’y arriveront que le 6 septembre. Entre temps, les F.F.I. protègent les flancs est de ces troupes en libérant Aix-les-Bains et Grenoble. Et les F.F.I. de Haute-Savoie participent pleinement à ces libérations.

 

Les vallées de Tarentaise, avec le col du Petit-Saint-Bernard et de la Maurienne, avec celui du Mont-Cenis sont vitales pour les Allemands. Il faut donc à la Wehrmacht, dans un premier temps, permettre une sorte d’évacuation des troupes de la région alpestre et ensuite, dans un second temps, empêcher les Alliés d’utiliser ces cols pour fondre sur ses arrières en Italie. Pour mémoire, signalons qu’à cette date le front italien se situe au nord de Florence, (Ligne Gothique) et qu'il n'est pas question, pour l'O.K.W. d'être surpris. Cela explique que la Wehrmacht s’accrochera le plus longtemps possible pour elle dans ces cols alpins.

 

Les gros accrochages ont lieu dans la moyenne vallée de l’Isère entre Montmélian et Albertville.  Il n’existe que deux ponts pour franchir l’Isère. Le plus en amont est le pont situé au droit de Grésy-sur-Isère, et le plus aval est le pont sis sur la commune de Chamousset. Ce dernier est capital, car il donne accès depuis la rive droite de l’Isère (donc Chambéry) à la vallée de la Maurienne.  C’est le Pont Royal.

Les F.F.I. de Haute-Savoie, alliées à celles de Savoie, (une pensée pour le capitaine Bulle lâchement assassiné) livrent ici de durs combats dès le dimanche 20 août au soir. Le 24, toutes les troupes F.F.I. haut-savoyardes sont sur place. A l’aube de ce jour, le Pont Royal saute en partie, (ce pont fut baptisé par les gens du pays le Pont des Allemands). Vers 10 heures, une forte colonne allemande se repliant de Chambéry est prise à partie. De violents combats débutent. L’état-major F.F.I. décide de couper les lignes ennemies. Les habitants de Chamousset ravitaillent les jeunes maquisards au combat. Pour les responsables F.F.I., comme pour les soldats allemands, ce jour du 24 août restera une grande journée. C'est la première défaite allemande, à combats découverts au grand jour. Les pertes dans les rangs haut-savoyards, eu égard à la violence des combats, sont minimes, selon plusieurs combattants rencontrés en leur temps.

            Le bilan de ces trois journées des 23, 24 et 25 août 1944 s’établit à 18 morts sur le champ de bataille et 7 décédés des suites de leurs blessures. Le 25, Aiguebelle est libérée, mais de durs combats vont se dérouler à Saint-Georges d’Hurtières, puis dans la Maurienne alourdissant encore le bilan. Décès auxquels il faudra ajouter ceux de Tarentaise.

Cela porte à 40 « Morts pour la France » le total des maquisards tués lors de ces combats de Savoie à l’entrée de l’automne 1944. Il faudra malheureusement y ajouter les morts des unités reconstituées qui se battent encore jusqu’au 8 mai 1945.

 

Notre armée se reconstitue dès le mois de septembre. A Sainte-Foy en Tarentaise, les unités A.S. constituent deux bataillons : le 1er bataillon des Glières, dit bataillon Montjoie et le 2è bataillon, dit bataillon Boutan. Une moitié du bataillon Boutan participe à la constitution du 7è B.C.A., en Savoie. La seconde moitié se regroupe avec une partie du bataillon Montjoie pour former le Groupement des bataillons des Glières, commandé par Godard. Cette unité vient défiler le 23 septembre 1944, à Annecy.

Le 4 décembre 1944, le bataillon Godard renforcé du bataillon F.T.P., dit bataillon Foges, aux ordres du commandant Cachat, alias Bertrand, et comprenant, notamment des éléments des 93-01, 93-02 et de la 93-21 de Michel, constitue le Bataillon Godard, qui devient officiellement le 27è B.C.A.

A la date du 1er janvier 1945, cette unité, forte de 1112 hommes, et sous-officiers et de 24 officiers, comptera une C.C.B., une C.A. et cinq compagnies, aux ordres du chef de bataillon Godard. Elle sera endivisionnée dans la 5è demi-brigade de chasseurs alpins reconstituée, elle aussi. La division alpine ainsi reconstituée est confiée au commandement du général Vallette d’Osia.

            Nous retrouverons ces soldats lors des combats de l’hiver 1944-1945 dans les neiges alpines.

 

Novembre 1944 : La France est presque entièrement libérée et De Gaulle visite la Haute-Savoie

            Le 23 novembre 1944, les troupes françaises entrent dans Strasbourg, la France est presque totalement libérée. Les débarquements de Normandie et de Provence convergent vers l’Alsace, libérant au passage Paris le 26 août, Lyon le 6 septembre…

Les divisions nazies, en retraite vers le Rhin, commettent de nombreuses exactions, comme à Tulle ou à Oradour-sur-Glane et résistent encore à Falaise ou Royan par exemple.

En Haute-Savoie, on suit cela bien sûr, car des jeunes sont au cœur des combats. Et puis, il y a les prisonniers qui ne sont toujours pas rentrés. Sans parler de tous ceux engloutis par la Gestapo et dont on  ne sait rien ou presque. Nous en reparlerons dans un prochain numéro.

Malgré tout, la vie lentement reprend le dessus. En octobre, les écoles rouvrent leurs portes et une certaine routine repart, tant à l’usine, au bureau, qu’au champ. La nouvelle presse tente d’expliquer le conflit et pour ceux qui ont la chance de posséder une T.S.F., on écoute les nouvelles de Radio Sottens pour suivre la progression de la guerre. Nach Berlin

La Haute-Savoie honore ses morts, alors qu’on découvre le charnier de Saint-François, où gisent les corps de 7 maquisards fusillés le 15 mars 1944 par les Schutzpolizei. Le 15 octobre, se déroule ici une cérémonie dite de réparation et le 11 novembre, une cérémonie importante rassemble les morts des deux guerres. Et on ne sait pas encore tout…

            Mais on attend le général, l’Homme du 18 juin, le Sauveur de la France, celui qui a redonné son honneur au pays…

            Le 4 novembre 1944, le général de Gaulle, arrivé par le train, traverse toute la ville, accompagné du Préfet Irénée Revillard, du maire Albert Lyard, de François de Menthon (Garde des sceaux), d'André Diethelm (Ministre de la guerre), du général Alphonse Juin. Derrière eux, le conseil municipal, les généraux Doyen et Dosse et de nombreux résistants savoyards.

Le général passe en revue, sur le Pâquier, la troupe reconstituée. Au capitaine Louis Jourdan, rescapé des Glières, sorti du rang, De Gaulle dit « C’est grâce à Glières si j’ai pu obtenir tant de parachutages pour la Résistance ». L’après-midi, le général rencontre à la préfecture toutes les autorités, civiles et militaires. Puis à 19 heures, le Chef de la France Libre prononce un retentissant discours du haut du balcon de l’Hôtel de Ville. Il passe la nuit à la Préfecture. Le lendemain, il se rend à Morette, puis à Thônes, où la foule est suspendue à ses lèvres : « « … Qui ne serait profondément remué, quand il se trouve dans ces lieux ? Les exploits, qui s'y sont déroulés, ont marqué de la manière la plus magnifique quels ont été, en réalité, les sentiments du pays tout entier, sous l'oppression, qu'il a détestée.

Aux morts du Plateau illustre, c'est par la voix du Président du Gouvernement de la République, la France, toute entière, qui rend hommage aujourd'hui. Leur exemple durera. Il demeurera, je vous l'assure, comme un témoignage splendide, jeté à travers le monde, de la résolution de la France, dans la plus terrible guerre de son Histoire.

Vivent Glières ! Vivent nos armées ! Vive la France !"  Le général rejoint Chambéry, puis il rend visite à Grenoble et Lyon.

Notes de lectures

 

            Quelques ouvrages ont déjà été publiés dans le cadre du 70è anniversaire de la Libération, ouvrages, dont nous avons parlé dans nos numéros précédents. Aujourd’hui, nous tenons à vous présenter les deux derniers ouvrages de Michel Germain.

 

Sous le titre « La Haute-Savoie 1939-1945, une histoire unique » l’auteur nous livre un condensé de ces années de guerre. Fondée sur une chronologie rigoureuse et bien rodée, l’ouvrage aborde les principaux événements, les tenants et les aboutissants de cette période. L’auteur écrit dans l’Avant-dire : « … dans un tel ouvrage, il ne peut être question de tout narrer. Il s’agit d’un condensé  à destination de ceux qui veulent découvrir notre histoire. Pour les détails des événements quotidiens, je renvoie le lecteur à la chronique de la vie quotidienne publiée entre 1991 et 1994. Cette tétralogie, bien que narrant notre histoire dans ses moindres détails n’est pas exhaustive et nous vous conseillons de découvrir la bibliographie en fin de volume. Au delà de la chronologie, vous y trouverez les études thématiques propices à davantage d’informations et de compréhension… » En effet,  ce livre de 300 pages, format album  est illustré de plus de 300 documents, photographies, cartes, graphiques ou organigrammes. Pour compléter cet impressionnant outil de mémoire, on trouve en fin de livre plusieurs biographies de personnages importants ainsi qu’une multitude d’informations chiffrées.Nous avons là un travail remarquable et un bel outil de travail pour les scolaires qui voudront se lancer dans le Concours national de la Résistance et de la Déportation, mais aussi pour tous ceux qui veulent aborder notre histoire unique.La Haute-Savoie 1939-1945. Michel Germain, La Fontaine de Siloé (25 €)

 

Sorti le 15 septembre La Libération de la Haute-Savoie, un ouvrage de 250 pages illustrées de 330 photographies issues du fonds Carteron et des collections de l’auteur. On y trouve trois parties. La première rafraîchit la mémoire sur les années 1939-1943. La deuxième, la plus importante, expose dans le détail les combats pour la Libération entre le 1er août et le Grand parachutage au 20 août et le défilé de la Libération. La troisième  expose ce que fut l’après guerre la reconstruction et l’épuration.Cet ouvrage vient en complément du précédent en attendant le 3è opus mis en œuvre pour le 70è anniversaire et qui paraîtra en 2015.

La Libération de la Haute-Savoie. Michel Germain La Fontaine de Siloé 30€

 

 

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