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MEMOIRE 74
22 janvier 2014

Une lettre émouvante

A la suite de la conférence du 11 janvier 2014 à Habère-Lullin et de la parution d'un ouvrage heurtant bon nombre de personnes, j'ai décidé de publier ici la lettre de madame Christiane BECHET-BARETTA, adressée à Madame le maire de la dite commune,  in extenso.

 

Nernier, le 11 janvier 2014.

 

Madame le Maire

Mesdames et messieurs les conseillers municipaux

 

         Fille, petite fille, nièce et cousine de Résistants victimes de la barbarie nazie le 26 décembre 1943 à Habère-Lullin, je ne peux me taire.

27 décembre 1943 : le maire d’Habère-Lullin, M. Humbert Duret et le maire d’Annemasse ; M. jean Deffaugt risquent leur vie pour secourir la détresse des familles des victimes et des internés du Pax. Le maire d’Habère-Lullin est lui-même interné.

Décembre 2013, le maire d’Habère-Lullin, Mme Marielle Duret annonce, pour commémorer le 70è anniversaire du massacre du 26 décembre 1943, la publication sous son égide d’un livre de M. Claude Barbier qui constitue une agression délibérée contre la Résistance, les victimes et les familles des victimes de Noël 1943.

Intitulé « Crimes de guerre à Habère-Lullin, 26 décembre 1943-2 septembre 1944 » ce livre est un affront aux victimes de Noël 1943, à leurs familles et à tous les survivants garants de la mémoire de la Résistance, affront d’autant plus intolérable qu’il est cautionné par les élus responsables de la commune. Car, dès la première de couverture, il place exactement sur le même plan les victimes de Noël 1943 et des Allemands, non pas des résistants allemands venus rejoindre nos maquis, non pas des résistants allemands déportés, compagnons de misère et de mort de nos Déportés, mais des soldats de la Wehrmacht, armée d’occupation et principal instrument de l’idéologie nazie et de la répression.

Figure dans ce livre deux photos de ma famille, dont la publication n’a fait l’objet d’aucune demande d’autorisation préalable, ni de votre part, ni de la part de l’auteur. Ce sont les photos des deux réfractaires au STO et résistants, Robert Bouvet (p.142) mon oncle et Eugène Fontaine (p.413) cousin germain de ma mère Jeanne Béchet. Ces photos n’ont pas lieux de figurer dans un livre qui nie la participation à la Résistance des Réfractaires au STO de la Vallée Verte, qui méprise leurs valeurs et leur engagement et qui fait l’amalgame entre les victimes massacrées par une armée d’occupation et les victimes fusillées dans un acte de résistance à cette armée d’occupation. Pour ces raisons, j’exige, Madame le Maire, que vous fassiez le nécessaire afin que soit immédiatement retirées de ce livre les photos de ma famille.

En outre, je m’oppose formellement à ce qu’une partie du produit de la vente de ce livre soit attribuée à « la réfection du monument aux fusillés du 26 décembre 1943 » je cite ou plus exactement « aux massacrés de Noël 1943 ». Cet argument de vente d’un livre qui salit leur mémoire est absolument scandaleux.

Dans le caveau de ce monument, deux troncs calcinés sont ceux de mon père et de mon oncle. Le corps de l’un de mes cousins a disparu à jamais dans les sinistres fumées du four crématoire du camp de concentration de Flossenbürg. Le corps de mon autre cousin, dont vous avez l’impudence de reproduire la photo souriante et pleine de vie, est enfoui pour toujours dans une fosse commune en Tchécoslovaquie, ultime étape de « la marche de la faim et de la mort ». Je ne crois pas que toute cette horreur ait une équivalence et je veux, comme toutes les familles des victimes de Noël 1943 que leur mémoire soit respectée et honorée et qu’à Habère-Lullin, comme ailleurs nous en soyons dignes.

Christiane BECHET-BARETTA

(Des copies de cette émouvante lettre ont été envoyées à la présidente de AFMD 74, à l’ANACR de Haute-Savoie, à la FNDIRP ainsi qu’au Comité départemental de la Résistance et de la Déportation).

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